La rotation du personnel, connue aussi sous le nom de turn-over (TO), est défini comme le nombre de salariés ayant quitté une entreprise au cours d’une période déterminée. Cet indicateur peut être représenté par le ratio suivant pour une période donnée :
Nombre de départs / Effectif moyen
Où effectif moyen = (effectif début de période + effectif fin de période) / 2. Il est également possible de remplacer l’effectif moyen par l’effectif de début de période, ce qui donnera ainsi une idée du nombre de départs de l’entreprise par rapport à l’effectif de début de période. Le choix se fera selon les préférences de l’entreprise, ce qui pour elle est le plus représentatif de la situation de l’entreprise. Notons également que dans la détermination du nombre de départs, il est possible d’inclure les mutations internes définitives. Ces dernières sont en effet des réactions aux conditions de travail au sens large du terme. Dans ce cas, l’analyse restera la même, seul l’élément « coût de recrutement » sera à la baisse en interne. A noter ici qu’une comparaison entre entreprises d’un même secteur nous apparaît difficile car les entreprises risquent de ne pas définir leur ratio de façon identique.
Le TO dépend de trois catégories de facteurs. Tout d’abord, nous pouvons identifier l’entreprise elle même (conditions de travail, rapports sociaux, perspectives d’avenir, etc.). Ensuite, l’environnement est également un facteur impactant la rotation du personnel. En effet, la situation économique et sociale du secteur ou encore le marché de l’emploi sont des éléments non négligeables dans la décision d’un employé de quitter son entreprise. Enfin, la situation de l’individu au niveau de son cadre familial notamment, n’est pas non plus étrangère à la prise d’une telle décision.
Nous nous intéressons ici plus particulièrement au premier facteur, puisqu’il semble être le seul sur lequel l’entreprise peut avoir une influence. L’idée ici est de mesurer la différence entre deux situations afin de déterminer les économies résultantes d’une compression du TO. Rappelons que seule une partie du TO est supposée être compressible par l’amélioration des conditions de travail (ACT) puisque certains facteurs influents sont externes à l’entité. Il faut ensuite comparer les économies réalisées et le montant investi dans l’ACT. L’entreprise doit réaliser ces évaluations en amont, c’est à dire avant la mise en place des mesures et ensuite raisonner à partir d’hypothèses afin d’élaborer plusieurs scénarios. Ces derniers constitueront ainsi une base pour la prise de décision sur les actions à prendre et les coûts engendrés lors de l’élaboration d’un budget par exemple. Nous tenons à souligner ici que nous trouvons que la formulation d’hypothèses altère fortement l’intérêt de la méthode en apportant ici encore une part de subjectivité et d’inconnu fragilisant la démarche et sa fiabilité. Il est vrai que toute décision d’un gestionnaire peut être considérée comme un pari sur l’avenir dont il n’est jamais certain à 100%. Cependant, il est déjà difficile à l’heure actuelle de montrer aux dirigeants l’intérêt de se préoccuper des conditions de travail en entreprise et nous pensons ainsi que la faiblesse de la méthode évoquée précédemment n’améliore bien évidemment pas la situation et joue même à son encontre. Cette mise en garde étant soulignée, les dirigeants qui le souhaitent peuvent adapter la méthode à leurs besoins, pour ainsi la poursuivre :
Les phases à suivre sont au nombre de quatre :
- recueil des données de base sur le personnel ;
- évaluation quantitative du TO ;
- récapitulatif des effets imputables au TO total et traduction de ces derniers en termes de coûts ;
- formulation d’hypothèses de réduction du taux de TO associée à un investissement en ACT et traduction en terme d’économies potentielles.
La première phase peut s’avérer longue. En effet, il faut se baser sur plusieurs mois d’études et une période d’une année semble être le minimum requis afin d’intégrer au mieux les possibles variations saisonnières. L’entreprise doit disposer d’informations sur l’âge des salariés ou encore leur ancienneté. Les dates d’entrées et de sorties du personnel doivent être connues avec précision, les principales modifications qui ont eu lieu sur les postes de travail sont répertoriées et une bonne connaissance des ces derniers et notamment du temps d’apprentissage est nécessaire. Cette phase va aider l’entreprise à identifier et à chiffrer les coûts liés au TO. En effet, nous savons déjà que ces derniers sont de deux natures différentes : coûts afférents au départ de l’intéressé et coût afférents au recrutement et à la formation du personnel de remplacement (notion très large pouvant inclure la procédure de recherche, la phase de sélection, l’accueil, la formation, l’arrivée au poste, etc.).
La deuxième phase consiste en l’évaluation quantitative des coûts associés au TO. L’entreprise va pouvoir commencer à identifier les postes sur lesquels elle veut travailler puisqu’elle saura où le TO est le plus important. Attention cependant, il faut impérativement que l’entreprise limite son risque de surestimation de l’économie réalisable et doit ainsi être très vigilante dans la réalisation de ses différentes évaluations. Rappelons que l’économie potentielle correspond au produit des deux éléments suivants :
Hypothèse de réduction du dysfonctionnement (en %) * Coût du dysfonctionnement
La troisième phase nécessite de déterminer une méthode appropriée. Il s’agit ici de l’évaluation financière. Une grille de calcul pourra ainsi être mise en place pour réaliser cette phase après identification des différents coûts associés au dysfonctionnement. En voici une illustration possible :
Pour le mode de calcul il est à déterminer par l’entreprise, selon ce qui lui semblera être à même d’évaluer au mieux les coûts identifiés préalablement. Voici quelques exemples de méthode qui peuvent être appliquées :
- Formateurs ouvriers : calcul du coût unitaire (identification des temps passés (Ti) et des coûts unitaires (Ci – salaires + charges)) : C = S Ci * Ti ;
- Sous traitance : montant HT des factures – matières premières économisées.
A partir de ce tableau, il est ainsi possible de déterminer de coût total du dysfonctionnement TO en additionnant tous les coûts mesurés.
La quatrième phase consiste à formuler des hypothèses de réduction du TO suite à un investissement en ACT. A partir du tableau établit à la phase précédente, les économies potentielles pourront être chiffrées. Une analyse coût/bénéfice sera ainsi réalisée et permettra à l’entreprise de prendre une décision quant aux actions à mettre ou non en place.
L’analyse proposée ici demande un degré de précision élevé. La prise en compte des différents paramètres doit être pointilleuse. En effet, le TO est un indicateur très sensible à l’environnement et notamment au marché de l’emploi et suppose ainsi une certaine constance ce qui très difficilement réalisable en réalité et diminue ainsi la fiabilité de l’analyse. De plus, les difficultés d’identification et d’imputation de certains coûts fragilisent la méthode. En effet, une entreprise met souvent en place des actions globales et non spécifiques à un dysfonctionnement. Ainsi une solution mise en place peut parfois compenser plusieurs dysfonctionnements et les coûts sont difficilement attribuables individuellement. La mise en place de l’analyse prend ici aussi un certain temps, mais il s’agit d’une démarche selon nous intéressante qui peut déjà fournir une bonne base de réflexion à l’amélioration des conditions de travail. L’entreprise doit ici se servir des indications fournies précédemment pour adapter au mieux la démarche que nous proposons à son entreprise. Il faut être bien conscient que selon les secteurs d’activités et les caractéristiques de l’entreprise elle-même, la méthode sera plus ou moins facile à appliquer et plus ou moins judicieuse. Dans tous les cas, la direction de l’entité doit bien s’assurer de prendre en compte tous les enjeux d’une telle démarche avant de se lancer dans sa mise en œuvre.
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