jeudi 18 février 2010

Les conditions de travail : une notion à préciser...

Les conditions de travail sont définies comme étant l’environnement au sein duquel les salariés d’une entreprise vivent et évoluent. Il s’agit d’un ensemble de facteurs influençant la satisfaction de l’employé que ce dernier retire de son poste dans l’entreprise. Les conditions de travail ont un impact sur la motivation des employés et par conséquent sur leur comportement. Les répercussions ne sont donc pas neutres pour l’entreprise.

Les déterminants sont divers et peuvent être classés en trois catégories (liste non exhaustive pour les exemples donnés):

- liés à l’environnement de travail: bruit, rythme, aménagement des postes de travail, expositions à des substances spécifiques, tâches monotones et répétitives ;

- liés aux conditions de réalisation du travail : responsabilité, relations à la hiérarchie, communication au sein de l’entreprise, charge de travail, contraintes temporelles, directives contradictoires ;

- liés aux moyens de réalisation par le travail : précarité, perspectives d’évolution, rémunérations.

Il n’existe donc pas une vision uniquement matérielle des conditions de travail. Le côté relationnel fait également partie de l’environnement de travail. Ce dernier est de plus variable que ce soit selon les années, selon le poste occupé dans l’entreprise et selon l’individu lui même et la perception qu’il a de la situation.

Tous ces divers facteurs vont bien entendu avoir des conséquences sur une des ressources majeures de l’entreprise : l’homme. Les principales sont énumérées ci-dessous :

- stress ;

- absentéisme ;

- conflits sociaux ;

- accidents du travail ;

- rotation soutenue du personnel (turn-over) ;

- maladies (reconnues comme professionnelles ou non) allant d’une courte à une longue durée.

Suivant le secteur d’activité et le poste occupé dans l’entreprise, les conditions de travail ainsi que les effets engendrés par ces dernières varient. Certains facteurs seront plus présents dans un secteur que dans un autre mais dans tous les conditions de travail sont au cœur de l’évolution des individus qui impacte l’évolution de l’entreprise elle-même.

... une notion au coeur du développement de votre entreprise

Le sujet des conditions de travail a jusqu’à aujourd’hui été principalement abordé dans la perspective du bien être de l’homme. Présenté uniquement de cette manière, l’idée paraît généralement plutôt vague au premier abord et par conséquent attire peu les entreprises. Cependant il est possible d’aborder cela d’un point de vue différent : celui de l’impact sur la performance de l’entreprise. Cette dernière est au cœur des préoccupations de l’entreprise qui doit souvent faire face à une concurrence toujours plus accrue nécessitant une gestion optimale de l’activité et plus particulièrement des coûts. Ainsi, il faut être dans l’optique qu’il est possible d’améliorer les conditions de travail sans que cela ne soit qu’un coût pour l’entreprise mais bien au contraire une source d’amélioration de la performance.

Les conditions de travail sont un facteur important de la productivité et les illustrations ci-dessous vont le mettre en avant.

Pour des conditions « matérielles » (bruit, aménagement d’un poste de travail, etc.), on peut prendre l’exemple de perturbations du processus de production qui augmentent le risque d’accidents et perturbent donc le bon déroulement. Les accidents provoquent des arrêts et créent des coûts supplémentaires pour l’entreprise. De même, de mauvaises conditions de travail peuvent impacter la santé des employés, créant ainsi des jours d’arrêt et les effets sur l’entreprise sont ici directement identifiables : réorganisation nécessaire, jours de travail perdu, possibles heures supplémentaires pour d’autre employés. Il ne s’agit ici que d’exemples pour illustrer que les conséquences pour l’entreprise ne sont pas neutres et que l’environnement de travail est un véritable levier d’actions de la performance de l’entreprise. Le schéma ci-dessous met en lumière les relations évoquées précédemment :



Pour des conditions immatérielles telles que les perspectives d’évolution ou la perception de la charge de travail, il est possible de prendre l’exemple de la motivation. Cette motivation, qui permet à l’employé d’être plus productif, se transmet par les responsabilités qui sont confiées à l’employé, la confiance et la reconnaissance que ce dernier perçoit de la part de ses supérieurs (selon Ulla Mansikka-aho, étude pour les autorités finlandaises).

Vous aurez reconnu probablement ici la notion de coûts cachés. Ces derniers correspondent aux conséquences économiques de dysfonctionnements et donc à une traduction monétaire des perturbations subies par l’entreprise. Ils ne sont généralement pas repérables par le système d’informations en l’état et le contrôle de gestion classique n’est pas adapté pour les identifier clairement même si l’on sait qu’ils sont présents. Les conditions de travail sont aujourd’hui une source potentielle de perte de productivité et donc de performance qui est encore peu exploitée aujourd’hui et que vous, en tant que dirigeant d’entreprise, responsable financier ou encore contrôleur de gestion, ne pouvez ignorer.

Dans l’optique de mettre en place des mesures impactant les conditions de travail, l’entreprise doit tout d’abord se doter d’un système de contrôle de gestion intégrant au mieux ces nouvelles considérations. Ainsi des coûts plus pertinents pourront être établis, permettant une gestion améliorée de la performance de l’entreprise. Avant cela, il est indispensable d’identifier au mieux sur quels facteurs l’entreprise peut agir. Un état des lieux de la situation doit ainsi être effectué. Nous vous présenterons dans un prochain article des indicateurs vous permettant de prendre une décision quant à l’orientation de vos futures actions.

Débat

La qualité de vie au bureau est-elle une préoccupation pour les chefs d’entreprise ?


Cette vidéo évoque le sujet de la gestion des conditions de travail dans les PME. Pour débattre de ce sujet, deux invités présentent leurs visions : un directeur général d’une PME (Didier Riahi) et la directrice générale de l’ACTINEO (l’observatoire de la qualité de vie au bureau – Odile Duchenne). Pour cette dernière, les dirigeants de PME ne se soucient guère de la qualité de vie au bureau qui est classée comme un problème secondaire alors que selon elle de petits gestes peuvent suffire. Pour Didier Riahi, trop se préoccuper de ce élément risque d’engendrer l’effet inverse de celui escompté. La préoccupation première est, pour lui, la pérennité des emplois.

1ère étape : détecter les coûts cachés

L’objectif du bilan social est de déceler les éventuels coûts cachés de l’entreprise que le contrôle de gestion classique ne peut mettre en avant, du fait de leur caractère diffus et non liés à un acteur en particulier.

Etablir un diagnostic pluridimensionnel doit permettre de porter une analyse du travail et de l’organisation, de la conduite des projets et des relations sociales, afin de détecter d’éventuels dysfonctionnements. En effet, il s’agit bien là de la première étape du processus : une fois certains dysfonctionnements repérés, il s’agira de voir l’origine de ces troubles et les mesures à prendre afin de les réduire.

Une autre approche, plus rapide peut-être, pourrait être menée, mais elle nous semble moins pertinente. En effet, dans un souci de gain de performance rapide, certains entrepreneurs seront tentés d’améliorer les conditions de travail de leurs employés, afin d’augmenter leur productivité. Néanmoins, un double problème se pose : comment savoir sur quelles conditions de travail il faut œuvrer ? et comment être sûr que l’amélioration des conditions de travail engendrera un réel gain de productivité ?

La méthode que nous développerons au travers de ce blog, nous semble plus juste car elle évite le biais de poser l’hypothèse que l’amélioration des conditions de travail engendrera forcément un gain de productivité à tel ou tel niveau.

A l’inverse nous proposons une méthode qui part de l’analyse des dysfonctionnements de l’entreprise, pour ensuite voir à quoi ils sont dus, et de quelle manière les conditions de travail de l’entreprise jouent sur ces problèmes. Une fois cette proportion bien cernée, le gestionnaire peut donc idéalement mener une analyse avantages-coûts des investissements nécessaires à l’amélioration des conditions de travail.

Ainsi, nous repérons 6 grandes familles de dysfonctionnements dans l’entreprise, origines des coûts cachés :

- L’utilisation des équipements,

- La productivité de la main d’œuvre,

- La qualité des produits,

- L’absentéisme,

- La rotation du personnel,

- Les accidents de travail.

Par ailleurs, il est également utile de mener une analyse du climat social de l’entreprise.

Pour chacune de ces familles, nous mettrons en exergue des ratios ou questions qui vous permettront de voir si de tels troubles sont présents dans votre organisation.

Nous ne donnons pas de seuil limite à ces ratios, car ces derniers sont propres à chaque entreprise et chaque secteur. En fonction du taux calculé, il s’agit de voir le taux moyen du secteur d’activité, pour cerner la position de l’entreprise. En effet, par exemple, on sait que le turn-over est beaucoup plus important dans certains secteurs que d’autres, et ceci est vrai pour de nombreux ratios.


Quels sont les coûts cachés les plus importants de votre entreprise ?

  • L’utilisation des équipements

- Human Capital Return on Investment : [Chiffre d’Affaires – (Charges hors Rémunérations)]/ Rémunération

- Actifs / Effectif

- Temps d’arrêt des machines / Temps total de service

- Temps de mise en route / Temps de travail

- Temps de réparation des machines / Temps de Travail

- Nombre de Salariés formés aux machines / Effectif

- Taux de couverture des postes : Nombre de salariés devant posséder les compétences stratégiques /

Nombre de salariés possédant réellement ces compétences


  • La productivité de la main d’œuvre

Mesure de la contribution économique du personnel :

- Chiffre d’Affaires / Effectif

- Valeur Ajoutée / Effectif ou Masse Salariale

- Net Operation Income / Workforce

- Production / Effectif => on parle de l’effectif moyen annuel, en équivalent temps de travail

Profitabilité par employé :

- Human Capital Value Added : [Chiffre d’Affaires – (Charges hors Rémunérations)] / Effectif


  • La Qualité des Produits

- Nombre de rebus / Nombre de produits total (par période donnée)

- Nombre de retour de produits ou de réclamation clients, par période donnée

- Temps de travail passé sur les retouches / Temps de travail Total

- Index de Satisfaction Client :

Le lien suivant vous présente un article (F. Schmidt, T. Stickland, 1998) complet pour la mise en place d’une enquête de satisfaction clients. La page 43/60 vous offre un exemple concret de questionnaire à diffuser : http://dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/SC94-68-1998E.pdf


  • L’Absentéisme

- Heures d’absence sur la période / Heures Théoriques sur la période (=effectif théorique * heures/employés)

- Heures d’absence – Absentéisme Longue Durée / Heures Théoriques sur la Période

Mesure de la gravité de l’Absentéisme :

- Durée Totale des Absences / Effectif

- Durée moyenne : Nombre total d’heures d’absence / Nombre d’absences


  • La Rotation du personnel

Turnover :

- Nombre de départs par an / Effectif moyen

- Nombre de départs par an associés à un motif / Effectif moyen

- Total de démissions / Total de départs

Ancienneté, stabilité du personnel :

- Ancienneté moyenne

- Nombre de promotions annuelles / Effectif

- Nombre de présents au bout de N mois / Nombre d’embauchés au bout de N mois

Coût du recrutement :

- Délai d’embauche

- Sélectivité : Nombre de candidats retenus / Nombre de candidatures examinées

- Qualité : Nombre de candidats restant au bout d’un an / Nombre de recrutements sur la période

- Coût : Coût du recrutement (pour une période donnée) / Nombre de recrutements (sur la période)


  • Les Accidents de Travail

- Nombre d’accidents de travail par période donnée

- Taux de gravité des incapacités temporaires :

(Nombre de jours perdus / Nombre d’heures travaillées) * 1000

- Taux de fréquence avec incapacité permanente :

(Nombre d’accidents de travail avec incapacité permanente / Nombre d’heures travaillées) * 1000000

Remarque : Ces deux derniers ratios sont ramenés en base 1 000 ou 1 000 000 pour une lecture plus visuelle des chiffres, mais ces bases peuvent être changées en fonction de l’importance des numérateurs.


  • Le Climat Social

- Nombre de manifestations ou grèves par période de temps

- Taux de concentration : Nombre de grévistes / Effectif sur la période

- Intensité conflictuelle : Nombre de jours ou d’heures perdus / nombre de grévistes

Le schéma suivant peut vous aider à obtenir une vue d’ensemble du climat social de votre entreprise :


Mais le climat social ne peut s’évaluer que par des critères quantitatifs. La prise en compte du ressenti des employés, et de leur implication dans l’organisation est primordiale. Vous trouverez dans les liens suivants, des exemples de questionnaires possibles pour obtenir l’opinion des employés. (Source : Le Minnesota Satisfaction Questionnaire (MSQ, Traduit par Roussel, en 20 indicateurs, 1994)

http://picasaweb.google.com/102296746471593884847/QuestionnairesOpinionsDesEmployes#

Après avoir mesuré ces différents ratios, l’entreprise est en mesure de savoir où les principaux dysfonctionnements interviennent au sein de l’organisation. La méthode peut paraître longue, mais elle fonctionne par paliers et permet d’éviter des erreurs. Ce premier bilan permet de voir sur quel(s) coût(s) caché(s) l’entreprise doit se focaliser. Par la suite, pour chaque famille de dysfonctionnement, nous avancerons d’un palier dans la méthode afin de réussir à montrer la part de la responsabilité des conditions de travail dans ces coûts cachés. L’objectif à terme étant de diminuer au mieux ces coûts afin d’améliorer la performance de l’entreprise.

2ème étape à négliger ?

Pour être exhaustif, il faudrait souligner que le montant des coûts cachés d’une entreprise provient de quatre sources. Ces coûts sont la sommes des :

- coûts nets de la perturbation (variation en quantité et en qualité) ;

- coûts de la régulation (heures supplémentaires, remplacements, intérimaires…) ;

- coûts de la sous-activité (charges administratives en plus applicables par rapport à un niveau normal d’activité) ;

- coûts supplémentaires d’investissement et d’administration.

Néanmoins, nous sommes tous conscients que le problème de prise en compte des coûts cachés n’est pas encore un objectif majeur pour les entreprises ; vous pourrez d’ailleurs à ce sujet observer dans notre section exemple des explications d’un dirigeant d’une PME. Mener une méthode trop détaillée conduirait les chefs d’entreprises à considérer le travail nécessaire trop important, et aurait donc pour effet l’inverse de ce qui était souhaité : la non réalisation de l’étude des coûts cachés de l’entreprise.

Même si cela représente un idéal pour certains chercheurs en management organisationnel, cette vision nous semble aujourd’hui encore utopiste, voir inutile. En effet, déceler un coût caché est déjà une tâche délicate, pourquoi faudrait-il en plus chercher à le découper en plusieurs niveaux ? Un coût global lié à un dysfonctionnement et une cause précise n’est-il pas l’objectif recherché ?

C’est pourquoi, dans la méthode que nous vous proposons, nous passerons cette étape du découpage des coûts cachés, et nous nous attarderons, dans les pages suivantes, à cibler le mieux possible la responsabilité des conditions de travail dans les dysfonctionnements observés.

Bien entendu, nous prenons position dans le choix de notre méthode et dans les calculs que nous vous présentons. D’autres procédés sont envisageables (voir notre onglet « Autres méthodes »), et vous pourrez d’ailleurs les approfondir grâce aux ressources citées dans notre blog.

En fonction des différents dysfonctionnements que vous avez relevés comme importants dans votre société, vous pouvez désormais vous balader sur les pages de notre site afin de découvrir comment la méthode que nous présentons vous suggère de repérer l’origine des troubles, d’en mesurer les impacts financiers, afin à terme de les réduire.